Séismes à répétition en Oklahoma provoqués par la fracturation hydraulique
Le Monde
14/01/2016
Point de fracture. La révolution
énergétique aux Etats-Unis a son revers. En cause : la fracturation
hydraulique, cette technique de forage utilisée pour l’extraction des gaz et
pétrole de schiste. Dans l’Etat de l’Oklahoma (centre), les séismes se
multiplient. Le Temps
La révolution
énergétique américaine rendue possible grâce à la technique d’hydrofracturation
des formations de schiste a son revers. Les énormes volumes d’eau usée et de
produits chimiques réinjectés dans le sol sont à l’origine d’une explosion du
nombre de tremblements de terre
Le Temps 12/01/2016
Depuis 2009, avec
l’intensification de la pratique du «fracking» au centre des Etats-Unis, le
nombre de tremblements de terre de plus de 3 sur l’échelle de Richter a plus
que triplé.
Pour les habitants
de l’Oklahoma, c’est presque devenu une routine. La terre tremble régulièrement. Le
6 janvier, deux séismes d’une magnitude de 4,7 et 4,8 sur l’échelle de
Richter ont secoué la région septentrionale de cet Etat du centre des
Etats-Unis, bordant le Colorado et le Kansas. Les dégâts ont été mineurs, mais
ont néanmoins alerté les autorités locales. L’une des secousses, au début
d’octobre, a eu lieu à proximité de la ville de Cushing, qui abrite un énorme
complexe de stockage de brut contenant jusqu’à 60 millions de barils d’or
noir et considéré comme une infrastructure stratégique nationale. En 2015, l’Oklahoma
a recensé plus de 900 tremblements de terre d’une magnitude proche de 3, soit
deux et demi par jour.
En 2011, des failles
parcourant l’Etat du nord-est au sud-ouest ont été à l’origine du plus puissant
séisme qu’il ait connu (5,7). Pour 2016, les prédictions ne sont pas
meilleures. Selon le National Earthquake Information Center de Golden, dans le
Colorado, la barre des mille séismes devrait être franchie. La région centrale
du pays n’avait enregistré que 21 séismes de magnitude 3 et plus entre 1973
et 2008. Depuis 2008, l’augmentation du nombre de tremblements de terre
est de 300%. La cause de cette forte activité sismique est, à en croire une
majorité de scientifiques, la fracturation hydraulique des formations de
schiste et la multiplication des sites de forage.
Boom pétrolier
Depuis 2008,
l’Oklahoma, à l’image des Etats-Unis, connaît un boom pétrolier grâce à la
révolution de l’hydrofracturation. Il a grandement bénéficié des retombées
fiscales qui en découlent, même si aujourd’hui il souffre du bas prix du baril
de pétrole. Le secteur pétrolier représente 20% des emplois de l’Etat et deux
tiers des emplois créés depuis 2010 lui sont attribuables. La fracturation
hydraulique des schistes s’accompagne toutefois d’effets secondaires. Des
volumes considérables d’eaux usées et de produits chimiques utilisés pour les
forages sont réinjectés dans les formations de schiste, car pour l’heure
l’industrie n’a pas trouvé d’alternative à ces dépôts «sauvages». Entre 2009
et 2014, les volumes utilisés dans la région, en particulier dans la
formation de schiste du Precambrian Basement Rock, ont augmenté de 140%, selon
l’International
Business Times, passant de 68 milliards à 162 milliards
de litres. Pour les sismologues, cela ne fait aucun doute. La fracturation hydraulique,
qui nécessite parfois dix barils d’eau pour chaque baril de pétrole produit,
est directement en cause. Les volumes d’eau injectés peuvent avoir pour effet
de soulever des plaques près de failles au lieu de les rapprocher, explique le US
Geological Survey.
Les autorités
politiques ont été très lentes à réagir. La gouverneure de l’Etat, la
républicaine Mary Fallin, a tout d’abord nié le problème avant de se rendre à
l’évidence au vu du nombre croissant de preuves scientifiques. Selon Bloomberg,
l’Oklahoma Geological Survey, une instance scientifique, a subi des pressions
de la part des sociétés pétrolières pour ne pas établir de liens entre
l’hydrofracturation et les séismes et a longtemps affirmé que les secousses
étaient un phénomène naturel. Le régulateur du secteur, l’Oklahoma Corporation
Commission, n’a pas fait preuve d’une grande indépendance non plus, se
contentant de réduire le nombre de nouveaux puits de forage pour répondre à une
montée de la colère de la population. Le régulateur et la gouverneure se sont
souvent renvoyé la balle. Comme la Railroad Commission au Texas, le régulateur
de l’Oklahoma n’est pas prêt à jouer les gendarmes, se souciant en priorité des
risques de fuite de pétrole et de pollution. Il a récemment invité les sociétés
pétrolières à réduire sur une base volontaire les volumes d’eau réinjectés dans
le sol. L’Oklahoma Geological Survey a lui aussi fait volte-face, créant un
site internet, «Earthquakes in Oklahoma», et affirmant que les activités de
«fracking» (fracturation hydraulique) étaient «très probablement» la cause des
séismes.
Pétitions en route
Cité par le New
York Times, Daniel Mnamara, géophysicien au National Earthquake
Information Center, est catégorique quant aux risques futurs: «Je pense qu’il y
a une forte chance que l’Oklahoma soit confronté à une forte secousse.» Les
spécialistes pensent en particulier à la faille Edmond, longue de 20 km.
Pour l’Etat et plus largement pour les Etats-Unis, les conséquences pourraient
être considérables. Si le complexe de stockage de brut de Cushing devait être
endommagé au même titre que le vaste réseau d’oléoducs, c’est toute la chaîne
d’approvisionnement du pétrole qui pourrait être perturbée. Les grandes
citernes de cette petite ville de l’Oklahoma servent à stocker le pétrole en
provenance de la formation géologique des Bakken, dans le Dakota du Nord, avant
qu’il ne soit acheminé vers les raffineries installées le long du golfe du
Mexique. Récemment, l’Oklahoma Corporation Commission a tout de même exigé que plusieurs
puits dans un rayon de dix kilomètres autour du complexe de Cushing soient
fermés.
L’Oklahoma n’est pas
le seul Etat touché par des séismes induits par l’activité pétrolière et
gazière. La Californie, le Dakota
du Nord ainsi que le Texas connaissent le même
type de phénomène. Dans certaines régions du Texas, des pétitions demandant
l’arrêt du «fracking» ont été signées.
Stéphane Bussard
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